La vie, c’est un peu comme une pièce de théâtre. Il y a d’un côté la scène et de l’autre l’envers du décor. Sur mon blog, je ne raconte – à quelques exceptions près – que ce qu’il se passe à la lumière des projecteurs. Sans doute par orgueil, par pudeur et par besoin vital de regarder la vie depuis son versant ensoleillé.
Alors, quand Aurélie m’a proposé de venir poser ma plume ici, j’ai longtemps réfléchi à ce que je pourrais vous raconter. Je n’allais quand même pas vous proposer un de ces billets d’humour qui font la réputation de Je suis papa. « Du réchauffé », m’aurait-on reproché à juste titre. « J’aimerais un thème qui te corresponde, m’a alors soufflé Aurélie. Peut être sous un angle personnel, une expérience qui t’a touché en tant que papa, une épreuve, une révélation. » Putain, la cocotte attend que je me livre. Moi, le taiseux, le secret, l’impénétrable, celui à qu’il faut arracher les vers du nez pour qu’il accepte de donner un bout de lui. Soit.
L’histoire que je vais vous raconter commence le 31 mai 2011 à 5h56. Ce jour-là, ma vie a basculé. Mais pas tout à fait comme je l’avais imaginé. Après 9 mois d’attente, je ne m’attendais pas à ce que l’incroyable bonheur de la naissance inespérée de ma fille m’entraine dans une spirale infernale dont je mettrai presque 4 ans à me relever. 4 ans à lutter contre des démons intérieurs, probablement enfermés au plus profond de moi depuis ma propre naissance. Mais qui se sont visiblement passés le mot pour danser sur les sables mouvants de mes errances à cette occasion.
Tout a commencé par un gros coup de fatigue, compréhensible quand on accueille un nourrisson pour la première fois. Et puis, il y eu les angoisses, de plus en plus profondes. La première maladie bizarre – une lithiase salivaire – suivie d’une seconde – une scarlatine – une troisième – une varicelle – une quatrième – la maladie de ménière (des vertiges pour la faire courte) – et ainsi de suite. A ce moment-là, le moindre virus à l’horizon me déclenchait des spasmes rien qu’à l’idée qu’il ne tombe sous le charme de mon système immunitaire défaillant. Et la plus infime douleur m’amenait irrémédiablement à imaginer le pire.
C’est en discutant avec mon médecin de famille que l’histoire a commencé à prendre sens : « Faut arrêter avec les examens à la chaine et les rendez-vous chez les spécialistes. Vous ne feriez pas une petite dépression par hasard ? Parce que la plupart des symptômes que vous déclenchez depuis des mois peuvent avoir une origine psychosomatique… », s’était-il alors aventuré à proposer, non sans s’inquiéter de la nature de ma réaction. Il avait raison ce con. Le bonhomme venait de mettre le doigt sur le nœud de mon problème. Alors que je vivais le plus grand bonheur de ma vie, j’étais en parallèle en train de m’effondrer. Je décrochais. Petit à petit. Tranquillement. Paisiblement. En silence.
Moi le (com)battant, j’allais me laisser ronger de l’intérieur par une boule d’angoisse mal digérée ? Hors de question. Le lendemain de la révélation, j’ai donc pris rendez-vous chez une psy. Pour parler. Vider mon sac. Confronter mes errances à un regard extérieur. Descendre dans les entrailles de mes non-dits. Réveiller tous les cauchemars enfouis. Mettre un coup de pied dans la fourmilière de mes névroses. Quitte ou double, mais tapis !
Il aura fallu de long mois pour sortir le dragon qui se terrait dans le creux de mon estomac. Avec ma psy, j’ai travaillé sur le regard que je portais sur mon environnement, sur mon instinct surprotecteur, sur mes craintes les plus profondes, sur mon histoire et les probables conséquences enfouies de mon abandon alors que je venais de voir le jour, sur l’amour que je porte à ma fille, sur ma relation aux autres, sur ma nouvelle peur de mourir alors que je me suis longtemps cru immortel, sur le poids de la vie et la peur du lendemain. Avec elle, j’ai appris à accepter le passé, à aimer le présent et à imaginer un avenir souriant. A relativiser les douleurs et à chérir la vie aussi.
Les maux de l’esprit sont sans doute les plus sournois à identifier et les plus durs à affronter. Qu’on les appelle dépression, baby blues, spleen ou crises d’angoisse, ils portent en eux des germes destructeurs dont il faut se débarrasser pour vivre en paix. Avec soi et les autres. En ce qui me concerne, cette épreuve fait sans doute partie des plus dures qu’il m’ait été donnée d’affronter. Mais elle m’a ouvert de nouvelles portes que je n’aurais jamais imaginé pouvoir franchir auparavant.
Sur mon blog, je continuerai à vous raconter les sourires de la vie de parents. Inlassablement. Mais nous savons désormais tous qu’en chacun de nous se cache l’envers du décor.
Vous pouvez retrouver le blog d’Olivier : Je suis Papa, toujours plein d’humour et de bons plans. Moi je le remercie de s’être laissé aller aux confidences, je mesure l’effort et j’apprécie d’autant plus son univers … Il ne faut pas sous-estimer la fatigue et l’inquiétude de nos Papas ♥
Bonne soirée
Zozo
3 comments
Merci pour ce beau témoignage ! Comme quoi nos blogs nous aident à tenir debout <3
[…] Mychoup’ était attendue plus que vous ne pouvez l’imaginer, sa naissance a provoqué un monstrueux big bang dans ma vie. Jusqu’à remettre en question mes envies, mes aspirations et mes priorités. Mais le bonheur que […]
[…] Autant vous le dire, les futurs parents se posent souvent les mauvaises questions. Et les pères encore davantage que les mères, pour les raisons évoquées ci-dessus. On ne peut pas dire que je n’ai rien glandé des 9 mois de grossesse de ma femme. Je me suis documenté sur l’accueil d’un bébé et les soins à lui apporter, j’ai préparé sa chambre, acheté et installé l’équipement nécessaire, j’ai confronté ma vision de la parentalité avec ma compagne, j’ai ouvert un album et consigné toutes les pensées que j’avais envie de partager avec ma fille, je me suis inquiété de mon rôle… bref, j’ai brassé du vent, omettant au passage de m’interroger sur ce que je suis profondément, sur mon rapport à la vie, mon instinct surprotecteur, mon histoire, mes peurs sourdes, mes failles et mes silences. Autant de sujets majeurs à aborder pour envisager une paternité sereine. Et quand la marmite pète, ça fait un gros boum comme je l’ai raconté il y a quelque temps sur le blog de ma copine Zozomum. […]